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« Camus- vous savez que je suis très chaud sur celui-là. Le sens du livre lui ressemble mais non l'écriture, volontairement élaguée... » André Malraux à Roger Martin du Gard, octobre 1942

L'Étranger, ce roman au style si direct, si impersonnel qu'on l'avait d'emblée étiqueté "roman américain". Camus le portait depuis longtemps, on en trouve trace dans ses Carnets, tâtonnant avant de cerner les contours de son personnages. Il avait déjà écrit un "premier Étranger", un homonyme qu'il avait appelé Patrice Meursault -donc avec un prénom pour celui-ci- rangé dans un placard, "La mort heureuse" publié à titre posthume dans la collection des Cahiers Albert Camus.

"La mort heureuse", un roman pas encore épuré de ses scories autobiographiques, un Camus hanté par l'obsession de la mort et de cette tuberculose qui le ronge déjà, mais aussi un Camus libre, un jeune homme vivant en harmonie avec ses amis dans la grande maison des hauts d'Alger, tout entier tourné vers sa passion pour le théâtre.
Malraux avait bien raison de lier L'Étranger et Le Mythe de Sisyphe, suggérant de les publier en même temps, le roman et l'essai qui se renvoyaient d'écho en écho le côté absurde de la condition humaine.
En attendant d'être complétés par Caligula...


               
Curieusement, si Malraux a joué un grand rôle dans la parution de L'Étranger, c'est par le truchement de leur ami commun Pascal Pia (avec lequel Camus se brouillera) que tout se déroula. [1]

Camus écrira d'ailleurs à  son ami le philosophe Jean Grenier en mars 1942 : « J'ai été servi par la chance et par mes amis ; Pia et Malraux ont tout fait. » Grenier lui écrit quelques jours plus tard : « Malraux, que je viens de voir à Nice, aime surtout L'Étranger. » (qu'il préfère à Caligula)

       

La genèse et la parution de x suscite un vif et récent regain d'intérêt puisque, outre le livre Correspondance 1941-1959 Camus-Malraux dirigée par Sophie Doudet, deux autres ouvrages sont venus compléter les nombreuses contributions consacrées à L'Étranger
D'abord Brève histoire illustrée de la publication de L'Étranger, d'Alban Cerisier, paru chez Gallimard en 2013, présentation minutieuse des échanges entre les principaux acteurs de la publication : Jean Paulhan, Pascal Pia, Roger Martin du Gard, André Malraux et Gaston Gallimard. Plus récemment en septembre 2016, c'est un livre d'Alice Kaplan, En quête de "L’Étranger", qui traite de la genèse de L'Étranger. [2]

                  

Pascal Pia repend en quatre points les remarques que lui a adressées André Malraux, suggestions aussi bien sur la forme que sur certains chapitres.
1- Varier la construction des phrases;
2- Retravailler la scène avec l'aumônier pour en augmenter la clarté;
3- Revoir la scène du meurtre pour lui donner plus de véracité en insistant sur le lien entre le soleil et le couteau de l'Arabe;
4- Condenser les scènes qui concernent la mère.


Malraux précise qu'il souhaite simplement être pratique en ciblant ses remarques. Camus lui répond par une lettre de juin 1941 [3] : « Malraux n'est pas homme à parler pour ne rien dire... ses autres critiques sont justes. » Dans le dernier échange en décembre 1941, Malraux qui est alors chez des amis au Cap Martin, confirme que la publication est proche désormais : « Il y a du bon pour Camus : une confirmation officielle de Gallimard... »

        

Notes et références
[1] Voir Correspondance 1939-1947 entreFeyzin le Camus et Pia, Gallimard-Fayard, 2000

[2] Voir aussi le livre de Kamel Dadoud "Meursault contre-enquête", prix François Mauriac 2014, Goncourt 2015 du premier roman, éditions Acte sud 
[3] Toujours par le truchement de Pascal Pia
  Christian Broussas L'Étranger, Camus-Malraux >
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