Correspondance Albert Camus, Jean Grenier présente la correspondance échangée entre 1932 et 1960 entre
l'écrivain Albert Camus et son ancien professeur et écrivain Jean Grenier dans une édition présentée et annotée par notes de Marguerite Dobrenn,
universitaire et amie d'enfance d'Albert Camus.
Références : Correspondance Albert Camus, Jean Grenier, correspondance 1932-1960, notes de
Marguerite Dobrenn, Gallimard, 280 pages, 1981, (ISBN 9782070231751) (isbn13), (ISBN 2-07-023175-5)
(isbn10)
A. Camus & Jean Grenier
Présentation et contenu
Camus a
toujours reconnu l'influence qu'avait exercée sur lui son
ancien professeur de philosophie au lycée d'Alger où Jean Grenier a
exercé quelques années. Mais 'l'élève a fini par dépasser le maître', ce
qui n'a pas été sans quelques réticences de la part de
Jean Grenier. Cette correspondance s'étend de façon ininterrompue
des premiers temps de leur rencontre en 1932 jusqu'à la veille du décès
de Camus le 4 janvier 1960.
Elle est d'autant plus intéressante
que sa longévité et sa continuité représentent une source importante
d'informations aussi bien sur l'évolution de Camus que
sur celle de leurs relations. Si Grenier reconnaît son rôle
d'inspirateur, il voulait aussi garder son indépendance vis-à-vis de Camus,
'faire son œuvre' sans être constamment soumis à l'aune de son
ancien élève, considéré comme 'le maître de Camus', comme certains
critiques n'y manquèrent pas.
Il est assez difficile d'évaluer
l'influence réciproque qu'ils exercèrent aussi bien dans leur
correspondance où on trouve toujours un profond respect mutuel dans
le choix des mots et leur façon de s'exprimer et encore plus dans le
livre de souvenirs de Jean Grenier,
qui est essentiellement un hommage
qu'il rend à Camus. À travers leurs échanges de lettres, on peut
distinguer trois périodes dans leurs relations : la période algéroise de
1932 à 1938, date à laquelle Jean Grenier quitte
Alger, les années 40 où ils ne se voient guère, Camus étant à Oran
ou 'bloqué' en France une partie de la guerre et Grenier nommé à
Lille puis en Égypte et où ils trouvent peu de temps pour s'écrire, surtout pendant
'la période résistante' de Camus et les années 50.
Jean Grenier enseigne à Alger en 1923-24 puis y revient à la rentrée 1930 où il a dans sa classe le jeune Camus.
Leur
rencontre est connue puisqu'ils l'ont racontée tous les deux : Camus
victime d'un première attaque sérieuse de tuberculose, est retenu loin
du lycée pendant plusieurs semaines et
Grenier s'en inquiète, lui rend visite; c'est à l'automne 1931 le début d'une longue amitié qui jamais ne se démentira. L'influence de
Grenier s'exerce d'abord par son aura, il est publié à la NRF, Camus lit son livre Les îles Kerguelen et il lui confie un ouvrage qui va beaucoup influencer Camus La douleur
d'André de Richaud; Camus ne tarde pas à lui
demander conseil et à lui faire lire ses premiers écrits (voir la
première lettre conservée en mai 1932). Cette influence littéraire
s'affirme dans les premiers écrits de Camus [1], surtout dans les textes de 1932
[2] puis dans Les voix du quartier pauvre.
Suit un éloignement relatif quand Grenier, après avoir conseillé à Camus d'y adhérer [3] quitte le Parti communiste et développe un certain scepticisme politique. Mais son influence
s'exercera en littérature, dans Noces en particulier où l'on trouve dans les livres de Grenier Poésies et proses d'Alger publié en 1933 et À Tipasa
publié en 1937, des thèmes réutilisés par Camus : le soleil de Tipasa, le vent de Djémila, la vie à Alger ou les cloîtres italiens.
Mais en même temps, Camus se démarque de Grenier, y apporte sa propre vision, ce dont il s'excusera dans
une lettre. Dans la préface au livre Les Îles rédigée en 1959, Camus reconnaît ce qu'il doit à Grenier, et ce n'est pas qu'un hommage ou un exercice de style :
« Aujourd'hui encore, il m'arrive d'écrire ou de dire, comme si
elles étaient miennes, des phrases qui se trouvent pourtant dans Les
Îles... » La « tendre indifférence du
monde » qu'on trouve dans L'Étranger est bien dans
cette idée de Grenier que le monde aussi nous est étranger et qu'il faut
trouver une certaine paix à sa contemplation,
« vivre Tipasa, écrit-il, témoigner et l'œuvre d'art viendra ensuite. » [4]
Leur correspondance va reprendre de la vigueur après la mutation de Grenier'au lycée de Vanves
en 1938 : il est
tout autant question de politique, de théâtre ou de projets
littéraires, échanges qui lui serviront beaucoup pour la rédaction de
ses essais. [5] Après avoir connu des bas quand Grenier est en Égypte, leur correspondance reprend au début des
années cinquante avec, de part et d'autre, beaucoup de doutes sur leur vocation littéraire, un retour sur leur passé avec Les Grèves pour Grenier et ce qui deviendra Le
Premier Homme pour Camus. Sous l'influence de Grenier, Camus publie un nouveau recueil de nouvelles 'solaires',
L'Été dont il dit : « L'Été descend des Îles. »
Camus prend acte d'une certaine modestie qui, reconnaît-il lui a
manqué dans Noces [6], ce que Grenier appelle 'l'entre-deux', vérité relative de
l'écrivain dont Camus dira à propos de son recueil suivant L'Exil et le royaume : « la part obscure, ce qu'il y a d'aveugle et d'instinctif en moi. »
« Nous avons commencé en 1930 un dialogue qui n'est pas fini » écrivait Grenier en 1945. Grenier aurait pu le dire
beaucoup plus tard et Camus aurait pu s'exprimer de la même façon.
Bibliographie et références
Bibliographie
- "La Postérité du soleil", éditions Gallimard, collection Blanche, 2009, isbn10 : (ISBN 2-07-012778-8), isbn13 : (ISBN 9782070127788)
- Jacques Chabot, "Albert Camus, la pensée de midi", Éditions Édisud, Centre des écrivains du sud, 2002, (ISBN 2-7449-0376-0)
- "Albert Camus, Pascal Pia, correspondance", 1939-1947, présentation et notes de Yves Archambaum, éditions Fayard/Gallimard, 2000
- "Correspondance Albert Camus, René Char", 1949-1959, présentation et notes de Franck Planeille, Gallimard, 2007, (ISBN 978-2070783311)
Voir les articles : Camus libertaire, Camus et Nietzsche
Voir aussi les fiches que j'ai développées sur d'autres sites :
- Roger Grenier, Albert Camus, soleil et ombre
- Morvan Lebesque, Albert Camus par lui-même
- Daniel Rondeau, Camus ou les promesses de la vie
-
Jean Sarocchi, Camus
Liens externes
-
Dossier Camus L'événement
Notes et références
- ↑ Voir Les Cahiers Albert Camus, tome II, Le premier Camus suivi de Écrits de jeunesse d'Albert Camus
- ↑ Perte de l'être aimé, L'art de la communion ou La maison mauresque
- ↑ Voir Correspondance page 22
- ↑ Sur l'influence de Grenier à cette époque, voir son texte "Sagesse de Lourmarin", p96 : [1]
- ↑ C'est Grenier qui envoie à Camus le livre de Rachel Bespaloff Cheminements et carrefours qui influencera Camus pour Le Mythe de Sisyphe
-
↑ Voir Correspondance pages 34-35
<< Christian Broussas - Feyzin - avril 2011 - << © • cjb • © >>
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