L’Été, c’est un voyage autour de la méditerranée, si chère à Camus, qui nous conduit en Algérie bien sûr avec le Minotaure à Oran, retourne ensuite dans les ruines de Tipasa, nous entraîne en Grèce avec Prométhée et Hélène et pour finir prolonge la balade jusqu’à l’atlantique pour voir La mer au plus près. L'essentiel, ce sont ses racines, la Méditerranée, avec «son tragique solaire qui n'est pas celui des brumes» et cette lumière, «si éclatante qu'elle en devient noire et blanche ».
« Il est arrivé qu’on lui reprochât sa pureté même. » Jean Guéhenno
Cette saison rappelle à Camus les bons moments de sa jeunesse, les copains et les baignades sur les plages d’Alger ou un peu plus tard son séjour dans "la maison d’en haut" comme il l’appelait. L'été s’inscrit dans le cycle des saisons, un cycle toujours renouvelé qui oscille entre chaud et froid, entre abondance et frugalité, entre oui et non [1] ce qui renvoie aussi à son recueil L'Envers et l'Endroit.
L'Algérie es présente dans trois des nouvelles du recueil [2] car avoue Camus « j'ai avec l'Algérie une longue liaison qui sans doute n'en finira jamais et m'empêche d'être tout à fait clairvoyant à son égard. » Il ironise quelque peu sur la jeunesse algéroise et n’hésite pas à opposer l’Alger gouailleuse et sa plage à Oran (la ville de sa femme), qu’il trouve assez laide et qui de plus, tourne le dos à la mer.
Il présente Oran comme un « lieu sans poésie » aux rues « vouées à la poussière, aux cailloux et à la chaleur» : «Tout le mauvais goût de l'Europe et de l'Orient s'y est donné rendez-vous… avec une application, une allure baroque qui fait tout pardonner ». Il trouve aussi que la ville sue l'ennui qui menace de vous y engloutir.
Il a beaucoup plus de mansuétude pour sa chère Alger où sourd la nostalgie quand il préconise « d'aller boire l'anisette sous les voûtes du port ». L’Algérie, c’est aussi la présence du désert, qu’on retrouve dans une nouvelle éponyme de Noces ou dans deux nouvelles de L’Exil et le Royaume : « Déjà, aux portes mêmes d'Oran, la nature hausse le ton » remarque-t-il, et sur les plages «tous les matins d'été ont l'air d'être les premiers du monde. Tous les crépuscules semblent être les derniers. »
On trouve aussi dans ce recueil d’autres formes d’ironie, plus grave dans L'Énigme ou plus nostalgique dans Retour à Tipasa qui est le pendant d’une première nouvelle Noces à Tipasa parue seize ans auparavant dans le recueil intitulé Noces, d’autant plus que Tipasa est désormais fermée avec des barbelés, et ceci même avec un beau soleil d'hiver et des héliotropes qui s’épanouissent. Pour lui, l’été à Tipasa, s’inscrit dans cette phrase, épitaphe gravée sur une pierre ocre inaugurée en avril 1961 par Francine Camus : « Je comprends ici ce qu’on appelle gloire, le droit d’aimer sans mesure. »
Dans ce Tipasa qu’il découvre pendant l’hiver, il écrit cette phrase lourde de sens : « Je ne crois pas assez à la raison pour souscrire au progrès, ni à aucune philosophie de l'Histoire.» Mais quand même, la beauté irradie, prédomine quand même, inséparable de la justice dont il écrit : « Qui veut servir l'une à l'exclusion de l'autre ne sert personne ni lui-même, et, finalement, sert deux fois l'injustice.»
Quand en mars 1958, il retourne à Tipasa, revigoré par sa balade, il note dans ses Carnets : « Sentiment de reconnaissance et de vénération. »
(Carnets tome III page 255)
« Une conscience contre le chaos. » Alain Bosquet
Pour Camus, la Grèce a toujours défendu la beauté et en particulier celle d’Hélène et leurs dieux, comme Empédocle ou Prométhée, ont des humeurs fort humaines qui marquent leurs limitent, idée dont Camus fera le thème majeur de L'Homme révolté. [3]
L’Été et la sensation de volupté qui lui est souvent associée contraste avec la grisaille tristounette qu’il reproche à des villes comme Paris et Lyon qu’il a beaucoup fréquentées pendant la guerre, Prague aussi qu’il visita dans sa jeunesse dans des conditions, il est vrai, assez mauvaises. À Paris, il lui semble être en exil comme Martha [4] rêvant de soleil dans sa Bohême natale ou Rambert prisonnier de la peste à Oran. « Est-ce que je cède, se demande-t-il, au temps avare, aux arbres nus, à l'hiver du monde ? »
L’Été à Alger
Pour Camus, 1952 est une année particulièrement difficile avec la polémique autour de L’homme révolté et la maladie qui le rejoint pendant son voyage en Amérique du sud. Comme le pressentait Roger Quilliot [5] l’art s’apparente plutôt pour lui à une prison, même s’il écrit dans Retour à Tipasa qu'il préserve « au milieu de l'hiver... un été invincible. » C'est l'époque de cette polémique qui n’en finit pas, alimentée par les "sartriens", c'est l'époque aussi où la maladie empoisonnera son voyage en Amérique du sud.
On présente très souvent L'Été comme un livre solaire mais derrière l’ironie du propos ou le lyrisme de certaines nouvelles, on sent poindre une certaine gravité. Cette dualité est particulièrement sensible dans le dernier texte intitulé La mer au plus près.
Dans ce texte, inspiré de son voyage en bateau en Amérique du sud, qui se présente comme un long poème en prose, il a « toujours l'impression de vivre en haute mer, menacé, au cœur d'un bonheur royal. »
La mer lui permet alors de se libérer de son enfermement, une « grande mer, toujours labourée, toujours vierge, ma religion avec la nuit ! » Le lyrisme du style cache en fait le dérisoire de sa situation, « on me loue, je rêve un peu, on m'offense, je m'étonne à peine », l’esprit sans doute quelque part dans l’immense océan, au plus près des vagues.
Mais il y a aussi cette volonté plus forte que tout qu’on trouve dans cette phrase de Retour à Tipasa, « il y a aussi une volonté de vivre sans rien refuser de la vie, qui est la vertu que j'honore le plus en ce monde. »
L’été renvoie Camus à une certaine nostalgie, il pense que « le monde a été amputé de ce qui fait sa permanence : la nature, la mer, la colline, la méditation des soirs » et il aime particulièrement « un à un les bruits imperceptibles dont est fait le silence ».
Extrait tiré de la nouvelle « Petit guide des villes sans passé »
[…] Le voyageur encore jeune s’apercevra aussi que les femmes y sont belles. Le meilleur endroit pour s’en aviser est la terrasse du café des Facultés, rue Michelet, à Alger, à condition de s’y tenir un dimanche matin, au mois d’avril. Des cohortes de jeunes femmes, chaussées de sandales, vêtues d’étoles légères et de couleurs vives, montent et descendent la rue. On peut les admirer, sans fausse honte : elles sont venues pour cela. A Oran, le bar Cintra, sur le boulevard Gallieni, est aussi un bon observatoire. A Constantine, on peut toujours se promener autour du kiosque à musique. Mais la mer étant à des centaines de kilomètres, il manque peut-être quelque chose aux créatures qu’on y rencontre. En général, et à cause de cette disposition géographique, Constantine offre moins d’agréments, mais la qualité de l’ennui y est plus fine.
En complément : L’Exil d’Hélène
C’est à Palerme dans le Vaucluse, près de L’Îsle-sur-la-Sorgue (et près de chez l’ami René Char) que Camus et sa famille sont en vacances en ce mois de juin 1948. Il y est déjà venu plusieurs fois, s’y sent bien et propose même à sa mère de venir s’y installer mais elle refusera finalement de quitter Alger. Dans ce paysage qui lui rappelle son Algérie natale, il a idée d’écrire une nouvelle où il évoque la Grèce, pays cher à son cœur, qu’il intitulé L’Exil d’Hélène.
Pour lui, la Grèce est le symbole de cette émulsion d’équilibre et de beauté qu’il appelait « la pensée de midi ». On y retrouve l’idée de « limite, » n’excluant « ni le sacré, ni la raison parce qu’elle n’a rien nié, ni le sacré, ni la raison, alors que l’Europe lancée dans la conquête de la totalité, est fille de la démesure. »
La Grèce a vertu de référence et la belle Hélène, égérie d’un pays qui porte son nom, se sentirait étrangère, en exil dans cette Europe qu’elle ne reconnaîtrait plus. Dans cette recherche d’un certain idéal, Camus aspirait y rencontrer « l’ignorance reconnue, le refus du fanatisme, les bornes du monde et de l’homme, le visage aimé, la beauté enfin, voici le camp où nous rejoindrons les Grecs.
L’importance de ce texte tient aussi au fait qu’il annonce le thème essentiel de L’Homme révolté, comme l’illustre cet extrait : « Le sens de l’histoire de demain n’est pas celui qu’on croit. Il est dans la lutte entre la création et l’inquisition. Malgré le prix que coûterait aux artistes leurs mains vides, on peut espérer leur victoire. (Œuvres complètes, tome III, pages 600-601)
En complément : L’énigme (1950)
Le Luberon écrit-il, ce lieu où la « lumière, à force d’épaisseur, coagule l’univers et ses formes dans un éblouissement obscur », Camus se demande « où est l’absurdité du monde. » Selon lui, il n'est possible « d'écrire ni sur le vrai malheur, ni sur certains bonheurs », ni dans le cadre « d'une littérature désespérée. »
On a voulu faire de lui un écrivain de l'absurde, il s'en défend. Ce n'était pour lui qu’« une position de départ, » qu'une tentative de dépasser le nihilisme ambiant. Il se réfère à Eschyle qui définit l'énigme comme « un sens qu’on déchiffre mal parce qu’il éblouit. »
Notes et références
[1] "Entre oui et non", titre d'une des nouvelles de L'Envers et l'Endroit
[2] Ces trois nouvelles sont Le Minotaure ou la halte d'Oran, le Petit guide pour les villes sans passé et Retour à Tipasa
[3] Sans doute était-il alors frustré de son voyage en Grèce, annulé en 1939 pour cause de guerre
[4] Personnage de sa pièce Le Malentendu
[5] Roger Quilliot, La Mer et les prisons, éditions Gallimard, 1956
Bibliographie
* L'Été, éditions Gallimard, collection Blanche, 1954, réédition Folio, 2006, 130 pages
* Emmanuel Roblès, Camus, frère de soleil, éditions Le Seuil, 1995
* Jacques Chabot, Albert Camus, la pensée de midi, Éditions Édisud, Centre des écrivains du sud, 2002
* Pierre Nguyen-Van-Huy, La métaphysique du bonheur chez Albert Camus, Neuchâtel, éditions La Baconnière, 1962
Voir aussi mes fiches :
* L'Exil et le Royaume -- L'Envers et L'Endroit -- L’Été --
* Camus et le théâtre -- L’Été, commentaires --
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« Il est arrivé qu’on lui reprochât sa pureté même. » Jean Guéhenno
Cette saison rappelle à Camus les bons moments de sa jeunesse, les copains et les baignades sur les plages d’Alger ou un peu plus tard son séjour dans "la maison d’en haut" comme il l’appelait. L'été s’inscrit dans le cycle des saisons, un cycle toujours renouvelé qui oscille entre chaud et froid, entre abondance et frugalité, entre oui et non [1] ce qui renvoie aussi à son recueil L'Envers et l'Endroit.
L'Algérie es présente dans trois des nouvelles du recueil [2] car avoue Camus « j'ai avec l'Algérie une longue liaison qui sans doute n'en finira jamais et m'empêche d'être tout à fait clairvoyant à son égard. » Il ironise quelque peu sur la jeunesse algéroise et n’hésite pas à opposer l’Alger gouailleuse et sa plage à Oran (la ville de sa femme), qu’il trouve assez laide et qui de plus, tourne le dos à la mer.
Il présente Oran comme un « lieu sans poésie » aux rues « vouées à la poussière, aux cailloux et à la chaleur» : «Tout le mauvais goût de l'Europe et de l'Orient s'y est donné rendez-vous… avec une application, une allure baroque qui fait tout pardonner ». Il trouve aussi que la ville sue l'ennui qui menace de vous y engloutir.
Il a beaucoup plus de mansuétude pour sa chère Alger où sourd la nostalgie quand il préconise « d'aller boire l'anisette sous les voûtes du port ». L’Algérie, c’est aussi la présence du désert, qu’on retrouve dans une nouvelle éponyme de Noces ou dans deux nouvelles de L’Exil et le Royaume : « Déjà, aux portes mêmes d'Oran, la nature hausse le ton » remarque-t-il, et sur les plages «tous les matins d'été ont l'air d'être les premiers du monde. Tous les crépuscules semblent être les derniers. »
On trouve aussi dans ce recueil d’autres formes d’ironie, plus grave dans L'Énigme ou plus nostalgique dans Retour à Tipasa qui est le pendant d’une première nouvelle Noces à Tipasa parue seize ans auparavant dans le recueil intitulé Noces, d’autant plus que Tipasa est désormais fermée avec des barbelés, et ceci même avec un beau soleil d'hiver et des héliotropes qui s’épanouissent. Pour lui, l’été à Tipasa, s’inscrit dans cette phrase, épitaphe gravée sur une pierre ocre inaugurée en avril 1961 par Francine Camus : « Je comprends ici ce qu’on appelle gloire, le droit d’aimer sans mesure. »
Dans ce Tipasa qu’il découvre pendant l’hiver, il écrit cette phrase lourde de sens : « Je ne crois pas assez à la raison pour souscrire au progrès, ni à aucune philosophie de l'Histoire.» Mais quand même, la beauté irradie, prédomine quand même, inséparable de la justice dont il écrit : « Qui veut servir l'une à l'exclusion de l'autre ne sert personne ni lui-même, et, finalement, sert deux fois l'injustice.»
Quand en mars 1958, il retourne à Tipasa, revigoré par sa balade, il note dans ses Carnets : « Sentiment de reconnaissance et de vénération. »
(Carnets tome III page 255)
« Une conscience contre le chaos. » Alain Bosquet
Pour Camus, la Grèce a toujours défendu la beauté et en particulier celle d’Hélène et leurs dieux, comme Empédocle ou Prométhée, ont des humeurs fort humaines qui marquent leurs limitent, idée dont Camus fera le thème majeur de L'Homme révolté. [3]
L’Été et la sensation de volupté qui lui est souvent associée contraste avec la grisaille tristounette qu’il reproche à des villes comme Paris et Lyon qu’il a beaucoup fréquentées pendant la guerre, Prague aussi qu’il visita dans sa jeunesse dans des conditions, il est vrai, assez mauvaises. À Paris, il lui semble être en exil comme Martha [4] rêvant de soleil dans sa Bohême natale ou Rambert prisonnier de la peste à Oran. « Est-ce que je cède, se demande-t-il, au temps avare, aux arbres nus, à l'hiver du monde ? »
L’Été à Alger
Pour Camus, 1952 est une année particulièrement difficile avec la polémique autour de L’homme révolté et la maladie qui le rejoint pendant son voyage en Amérique du sud. Comme le pressentait Roger Quilliot [5] l’art s’apparente plutôt pour lui à une prison, même s’il écrit dans Retour à Tipasa qu'il préserve « au milieu de l'hiver... un été invincible. » C'est l'époque de cette polémique qui n’en finit pas, alimentée par les "sartriens", c'est l'époque aussi où la maladie empoisonnera son voyage en Amérique du sud.
On présente très souvent L'Été comme un livre solaire mais derrière l’ironie du propos ou le lyrisme de certaines nouvelles, on sent poindre une certaine gravité. Cette dualité est particulièrement sensible dans le dernier texte intitulé La mer au plus près.
Dans ce texte, inspiré de son voyage en bateau en Amérique du sud, qui se présente comme un long poème en prose, il a « toujours l'impression de vivre en haute mer, menacé, au cœur d'un bonheur royal. »
La mer lui permet alors de se libérer de son enfermement, une « grande mer, toujours labourée, toujours vierge, ma religion avec la nuit ! » Le lyrisme du style cache en fait le dérisoire de sa situation, « on me loue, je rêve un peu, on m'offense, je m'étonne à peine », l’esprit sans doute quelque part dans l’immense océan, au plus près des vagues.
Mais il y a aussi cette volonté plus forte que tout qu’on trouve dans cette phrase de Retour à Tipasa, « il y a aussi une volonté de vivre sans rien refuser de la vie, qui est la vertu que j'honore le plus en ce monde. »
L’été renvoie Camus à une certaine nostalgie, il pense que « le monde a été amputé de ce qui fait sa permanence : la nature, la mer, la colline, la méditation des soirs » et il aime particulièrement « un à un les bruits imperceptibles dont est fait le silence ».
Extrait tiré de la nouvelle « Petit guide des villes sans passé »
[…] Le voyageur encore jeune s’apercevra aussi que les femmes y sont belles. Le meilleur endroit pour s’en aviser est la terrasse du café des Facultés, rue Michelet, à Alger, à condition de s’y tenir un dimanche matin, au mois d’avril. Des cohortes de jeunes femmes, chaussées de sandales, vêtues d’étoles légères et de couleurs vives, montent et descendent la rue. On peut les admirer, sans fausse honte : elles sont venues pour cela. A Oran, le bar Cintra, sur le boulevard Gallieni, est aussi un bon observatoire. A Constantine, on peut toujours se promener autour du kiosque à musique. Mais la mer étant à des centaines de kilomètres, il manque peut-être quelque chose aux créatures qu’on y rencontre. En général, et à cause de cette disposition géographique, Constantine offre moins d’agréments, mais la qualité de l’ennui y est plus fine.
En complément : L’Exil d’Hélène
C’est à Palerme dans le Vaucluse, près de L’Îsle-sur-la-Sorgue (et près de chez l’ami René Char) que Camus et sa famille sont en vacances en ce mois de juin 1948. Il y est déjà venu plusieurs fois, s’y sent bien et propose même à sa mère de venir s’y installer mais elle refusera finalement de quitter Alger. Dans ce paysage qui lui rappelle son Algérie natale, il a idée d’écrire une nouvelle où il évoque la Grèce, pays cher à son cœur, qu’il intitulé L’Exil d’Hélène.
Pour lui, la Grèce est le symbole de cette émulsion d’équilibre et de beauté qu’il appelait « la pensée de midi ». On y retrouve l’idée de « limite, » n’excluant « ni le sacré, ni la raison parce qu’elle n’a rien nié, ni le sacré, ni la raison, alors que l’Europe lancée dans la conquête de la totalité, est fille de la démesure. »
La Grèce a vertu de référence et la belle Hélène, égérie d’un pays qui porte son nom, se sentirait étrangère, en exil dans cette Europe qu’elle ne reconnaîtrait plus. Dans cette recherche d’un certain idéal, Camus aspirait y rencontrer « l’ignorance reconnue, le refus du fanatisme, les bornes du monde et de l’homme, le visage aimé, la beauté enfin, voici le camp où nous rejoindrons les Grecs.
L’importance de ce texte tient aussi au fait qu’il annonce le thème essentiel de L’Homme révolté, comme l’illustre cet extrait : « Le sens de l’histoire de demain n’est pas celui qu’on croit. Il est dans la lutte entre la création et l’inquisition. Malgré le prix que coûterait aux artistes leurs mains vides, on peut espérer leur victoire. (Œuvres complètes, tome III, pages 600-601)
En complément : L’énigme (1950)
Le Luberon écrit-il, ce lieu où la « lumière, à force d’épaisseur, coagule l’univers et ses formes dans un éblouissement obscur », Camus se demande « où est l’absurdité du monde. » Selon lui, il n'est possible « d'écrire ni sur le vrai malheur, ni sur certains bonheurs », ni dans le cadre « d'une littérature désespérée. »
On a voulu faire de lui un écrivain de l'absurde, il s'en défend. Ce n'était pour lui qu’« une position de départ, » qu'une tentative de dépasser le nihilisme ambiant. Il se réfère à Eschyle qui définit l'énigme comme « un sens qu’on déchiffre mal parce qu’il éblouit. »
Notes et références
[1] "Entre oui et non", titre d'une des nouvelles de L'Envers et l'Endroit
[2] Ces trois nouvelles sont Le Minotaure ou la halte d'Oran, le Petit guide pour les villes sans passé et Retour à Tipasa
[3] Sans doute était-il alors frustré de son voyage en Grèce, annulé en 1939 pour cause de guerre
[4] Personnage de sa pièce Le Malentendu
[5] Roger Quilliot, La Mer et les prisons, éditions Gallimard, 1956
Bibliographie
* L'Été, éditions Gallimard, collection Blanche, 1954, réédition Folio, 2006, 130 pages
* Emmanuel Roblès, Camus, frère de soleil, éditions Le Seuil, 1995
* Jacques Chabot, Albert Camus, la pensée de midi, Éditions Édisud, Centre des écrivains du sud, 2002
* Pierre Nguyen-Van-Huy, La métaphysique du bonheur chez Albert Camus, Neuchâtel, éditions La Baconnière, 1962
Voir aussi mes fiches :
* L'Exil et le Royaume -- L'Envers et L'Endroit -- L’Été --
* Camus et le théâtre -- L’Été, commentaires --
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